Sensibilisation aux normes tenant compte des questions de genre : un entretien avec Sofia Jaspers Faijer

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Sofia Jaspers-Faijer

Sofia Jaspers Faijer

Sofia Jaspers-Faijer est chargée de programme pour le Secrétariat au service de l’Élaboration des normes internationales au sein de la Direction des normes et des relations internationales du CCN. Son travail porte sur la gouvernance et la politique de l’ISO et de l’IEC, et elle a récemment été nommée animatrice du Forum de l’IEC. Sofia représente le CCN au sein du Groupe consultatif stratégique mixte de l’ISO et l’IEC sur les normes tenant compte des questions de genre.
Pour l'anecdote : Sofia adore voyager et elle a vécu dans cinq pays. Son père étant diplomate, elle a grandi dans une culture différente de celle de ses parents. Son contact avec le monde diplomatique l’a amenée à travailler dans le domaine des relations internationales, qui la passionne.

Comment les travaux du CCN ont-ils contribué à la sensibilisation en matière de normes tenant compte des questions de genre?

Le mythe selon lequel les normes sont neutres a longtemps prévalu, mais les préjugés sexistes existent bel et bien et les normes sont directement influencées par les personnes qui les rédigent. 
 

En 2019, le CCN a signé la Déclaration sur les normes et l’élaboration des normes tenant compte des questions de genre de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) et a élaboré une stratégie adaptée aux genres visant à améliorer la représentation des genres, à intégrer une expertise sur les spécificités de genre et à mener des efforts de recherche sérieux.
 

En 2020, le rapport révélateur Quand la taille unique ne convient pas : pourquoi la question du genre est importante pour la normalisation a mis en lumière les conséquences des questions de genre sur la normalisation. S’appuyant sur les données de 106 pays, cette étude a démontré que le manque de considération envers les questions de genre avait donné naissance à des normes protégeant mieux les hommes que les femmes. Les conclusions de cette étude ont été citées dans de nombreuses publications qui plaident en faveur de l’inclusion des questions de genre dans le processus d’élaboration de normes.
 

Les travaux du CCN sur les normes tenant compte des questions de genre ont fait de l’organisme une figure de proue et un champion d’envergure mondiale en la matière. Je suis très fière de l’engagement de longue date du CCN en faveur de la sensibilisation à cet enjeu, ainsi que des retombées de notre travail sur la défense de cette cause et la promotion de l’élaboration des normes tenant compte des questions de genre.

 

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Sofia stands with her peers at the 2023 JSAG plenary

 

 

Quels progrès avez-vous constatés en matière de normes tenant compte des questions de genre?   

Depuis que le CCN a signé la Déclaration sur les normes et l’élaboration des normes tenant compte des questions de genre de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) en 2019, nous avons assurément beaucoup progressé.

 

En tant que membre fondatrice du Groupe consultatif stratégique mixte de l’ISO et l’IEC sur les normes tenant compte des questions de genre, j’ai pu moi-même constater les répercussions des travaux de ce groupe sur les communautés techniques de l’ISO et de l’IEC au cours des quatre dernières années. Grâce à une multitude de campagnes de sensibilisation et séances de formation, nous avons pu atteindre plus de 1 200 membres de la communauté normative. En outre, le Groupe consultatif stratégique mixte a élaboré un document d’orientation, un formulaire d’évaluation et un module de formation afin de donner aux expertes et experts techniques davantage de moyens d’intégrer les questions de genre dans le processus d’élaboration des normes.
 

Dans le sondage mené par le Groupe consultatif stratégique mixte auprès des expertes et experts de l’ISO et de l’IEC en 2020, seulement 25 % des répondantes et répondants tenaient compte des questions de genre dans le processus d’élaboration des normes, contre 37 % en 2023. Bien que ces résultats soient encourageants, ils prouvent la nécessité de poursuivre l’éducation et la sensibilisation au sein de la communauté normative.
 

Il est encore difficile de faire connaître le rôle des questions de genre dans les normes, et une certaine résistance subsiste au sein de la communauté de la normalisation. Nous devons poursuivre la sensibilisation et à veiller à ce que les données employées soient représentatives de la population afin de rendre les normes plus sûres et plus efficaces. 

 

Cette année, le thème de la Journée internationale des femmes est « Inspirer l’inclusion ». Quel message souhaitez-vous communiquer au réseau de la normalisation?

Les normes peuvent rendre les produits et services davantage inclusifs et faire progresser l’égalité des genres. Des normes tenant compte des questions de genre qui définissent des exigences en matière de considération des différents pans de la population (tailles, poids et formes, entre autres) permettront de créer des produits et services plus inclusifs pour tout le monde, y compris les femmes.  
 

Les données sont essentielles à l’élaboration de normes. Cependant, la plupart des technologies et des produits sont conçus à partir de bases de données anthropométriques dans lesquelles les femmes sont peu représentées. On a souvent cité l’exemple du mannequin d’essai de collision pour illustrer le fait qu’en dépit de la réduction du nombre de décès liés aux accidents routiers, les recherches démontrent que les femmes sont 73 % plus susceptibles d’être gravement blessées ou de mourir dans un accident de la route que les hommes. Ce résultat s’explique par le fait que les données utilisées se réfèrent historiquement à l’anthropométrie masculine. 
 

L’intégration de données ventilées par genre rendra intrinsèquement les normes plus inclusives et améliorera la conception des produits pour les hommes et les femmes. J’encourage notre réseau normatif à rechercher des données ventilées par genre et à solliciter des conseils sur l’inclusion des questions de genre, car l’intégration d’une perspective fondée sur le genre dans le processus d’élaboration des normes rendra nos produits plus sûrs, plus efficaces et plus inclusifs.