Journée internationale des femmes 2024 - Entretien avec Michelle Parkouda

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Michelle Parkouda

Michelle Parkouda

Michelle Parkouda est gestionnaire, Recherche au CCN, où elle anime des investigations pour mettre en valeur les avantages économiques et sociaux de la normalisation. Elle préside l’équipe de spécialistes de normes tenant compte des questions de genre du Groupe de travail 6 de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe. Elle a aussi animé le groupe de travail de la Commission chargé d’élaborer des lignes directrices sur l’élaboration de normes tenant compte des questions de genre. Titulaire d’un doctorat en psychologie expérimentale de l’Université McGill, Mme Parkouda a publié des articles de recherche sur l’égalité des sexes, la diversité et le commerce.

La normalisation peut avoir des retombées positives dans de nombreux aspects de notre vie. Comment les travaux du CCN ont-ils contribué à l’avancement des normes tenant compte des questions de genre? 

On entend souvent que les normes sont omniprésentes et qu’elles constituent une infrastructure invisible. C’est vrai. Ce qui est inquiétant, c’est que nous savons maintenant que les femmes ont été largement ignorées dans cette infrastructure omniprésente et invisible. Les normes ne sont pas uniques à cet égard. La recherche médicale et d’autres disciplines ont également dû lutter contre leur legs d’androcentrisme, en vertu duquel les hommes sont considérés comme les représentants par défaut et les femmes, largement exclues de la recherche et des considérations lors de l’élaboration des exigences.

 

Le CCN a pris l’initiative d’attirer l’attention sur le manque de considération face aux femmes dans l’élaboration des normes et sur les conséquences de cette inégalité des genres. Notre étude portant sur la manière dont les normes sont associées à une réduction du nombre de blessures accidentelles chez les hommes (et non chez les femmes) a été révolutionnaire. Elle a permis de quantifier le problème et de démontrer la gravité des conséquences du fossé entre les genres dans l’élaboration des normes.  

 

Il est important de noter que d’autres organisations ont également utilisé cette recherche pour justifier la nécessité d’adopter des normes tenant compte des questions de genre dans le cadre de leurs présentations et leurs propositions de projet. Pour progresser, un effort concerté est impératif. Il faut également que les personnes et les organisations soient prêtes à innover. En accordant la priorité aux normes tenant compte des questions de genre dans son organisation, le CCN s’est imposé comme chef de file dans ce domaine et a contribué à des avancées réelles en faveur de normes qui protègent tout le monde. 

 

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Michelle Parkouda is being interviewed on camera by a reporter at the UN

Pourquoi faut-il que plus de femmes participent à l’élaboration des normes?

La Déclaration sur les normes tenant compte des questions de genre de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) indique que les femmes sont sous-représentées dans l’élaboration des normes.

 

Les données relatives aux membres du CCN abondent dans le même sens : les femmes représentent actuellement 25 % des membres de nos comités parallèles. Bien que nous ayons soutenu auprès de la CEE-ONU et d’autres instances qu’il ne devrait pas incomber aux femmes de veiller à ce que les normes tiennent compte des questions de genre, il s’avère que la présence de femmes dans les comités a une incidence positive. Des études menées dans d’autres secteurs ont démontré que lorsque la participation des femmes est élevée, les produits sont plus susceptibles d’être adaptés aux questions de genre.

 

Nos recherches ont également révélé que les comités parallèles où siègent des femmes sont plus performants. Cette conclusion a été tirée à l’issue d’une évaluation indépendante des comités parallèles par notre Direction des normes et des relations internationales et par l’équipe de recherche qui a étudié la corrélation. La diversité des genres dans l’élaboration des normes peut contribuer à l’efficacité des comités et à l’amélioration des normes pour toutes et tous. 

 

Quels progrès avez-vous constatés en matière de normes tenant compte des questions de genre?

J’estime qu’il est juste de dire que lorsque la déclaration sur les questions de genre a été lancée en 2019 et qu’elle a commencé à devenir un sujet de conversation plus fréquent, tout le monde n’a pas immédiatement vu son lien avec les normes. En consultant les sondages menés par l’ISO et l’IEC, je vois bien que ce lien n’est pas encore évident pour tout le monde. Cependant, ces derniers temps, j’ai vu davantage de personnes et de pays aborder le sujet. Sur le plan de l'engagement, il est important de ne pas se limiter au public traditionnel. 
 

Parmi mes collègues au CCN, j’ai constaté une meilleure compréhension et sensibilisation à cet égard. J’ai également remarqué la mise en œuvre de mesures pour faire progresser les questions de genre dans le cadre de leur travail. À l’international, je constate une diversité des pays actifs dans ce domaine. En juin dernier, je suis intervenue en tant qu’experte pour l’ISO lors d’une séance de formation sur l’élaboration de plans d’action pour l’égalité des genres en Ouzbékistan; plusieurs pays voisins et quelques pays d’Afrique participaient également à la formation. Nombre d’entre eux sont confrontés à de multiples obstacles (une discussion sur le vol de la mariée a été particulièrement révélatrice). Bien que ce sujet ait été nouveau pour plusieurs des personnes présentes, elles ont depuis appliqué activement les leçons tirées de la formation. Plusieurs organismes nationaux de normalisation participants possèdent désormais des plans d’action pour l’égalité des genres et quelques-uns ont également signé la déclaration de la CEE-ONU sur la question de genres. Cette réalité mérite d’être soulignée, car selon les Nations Unies, plus de 90 % des femmes et des filles dans le monde vivent dans des pays « où l’autonomisation des femmes est faible ou moyenne et où les résultats en matière de parité hommes-femmes sont faibles ou moyens ». 
 

Les normes tenant compte des questions de genre peuvent être un outil important pour faire progresser l’égalité des genres, et je suis très fière du travail accompli par le CCN pour combler l’écart entre les genres dans les normes et faire progresser l’égalité des genres dans le monde entier.